"Mon cher, vous oubliez que nous vivons au pays de l'hypocrisie." Le portrait de Dorian Gray - Wilde

Publié dans : Romans XX°

le 19/11/09

http://milkymoon.cowblog.fr/images/Livres/Lejoueurdechecs14597x1.jpg Le joueur d'échecs
(Schachnovelle)
Stefan Zweig
1943


Quatrième de couverture
Qui est cet inconnu capable d'en remontrer au grand Czentovic, le champion mondial des échecs, véritable prodige aussi fruste qu'antipathique ? Peut-on croire, comme il l'affirme, qu'il n'a pas joué plus de vingt ans ? Voilà un mystère que les passagers oisifs de ce paquebot de luxe aimeraient bien percer.
Le narrateur y parviendra. Les circonstances dans lesquelles l'inconnu a acquis cette science sont terribles. Elle nous reportent aux expérimentations nazies sur les effets de l'isolement absolu, lorsque, aux frontières de la folie, entre deux interrogatoires, le cerveau humain parvient à déployer ses facultés les plus étranges.
Une fable inquiétante, fantastique, qui comme le dit le personnage avec une ironie douloureuse, "pourrait servir d'illustration à la charmante époque où nous vivons".

Avis
C'est un livre très court, mais ce qu'il contient est très fort. D'un côté on a l'histoire de Czentovic, qui ne m'a pas plus emballée que ça. J'en garde l'image d'un homme pas très intelligent, assez banal, voir même sans émotions, mais qui néanmoins développe une aptitude pour les échecs (hé oui il y a des dons qui ne s'expliquent pas). De l'autre côté, on a ce personnage emprisonné, qui trouve le moyen de faire passer le temps et l'ennui en jouant aux échecs. Cette partie m'a vraiment accrochée, le personnage est très intéressant psychologiquement. Par exemple, il en arrive à faire des parties d'échecs mentalement, en jouant contre lui-même. Imaginez, vous savez ce que vous allez jouer puisque vous jouez contre vous même, il faut vous tendre des pièges, anticiper plusieurs coups à l'avance... c'est une gymnastique intellectuelle à la limite de la schizophrénie. Il y a un contraste évident entre les deux personnages : Czentovic, calme, froid, et "l'inconnu", vif et rempli d'émotion. Quelle sera l'issue de leur partie d'échecs ?
Ca me prouve une fois de plus mon penchant pour les récits de prisonniers. J'ai définitivement adoré ce livre.

En résumé : J'ai adoré l'histoire du prisonnier : ses parties d'échec mentales ainsi que ses émotions.

Publié dans : Romans XIX°

le 12/10/09

http://milkymoon.cowblog.fr/images/Livres/hugo.gif Le dernier jour d'un condamné
Victor Hugo
1829
 
Résumé
Ce livre se présente comme le journal du condamné à mort qu'il a tenu pendant ses quelques semaines d'emprisonnement jusqu'au moment de sa mort. On remarque que c'est un homme lettré, il ne laisse pas du tout soupçonner qu'il ai pu commettre un crime dont il se reconnait lui-même coupable.

Avis
Ce que j'ai aimé dans ce livre, c'est qu'on ne sait pas de quoi est accusé le personnage, du coup on ne prend pas parti dans le fait si oui ou non il mérite d'être condamné à mort. Le condamné ne conteste pas qu'il est coupable, contrairement au Procès de Kafka où là Joseph n'est coupable de rien. Ici on a simplement ses pensées mises à nues, celles d'un être humain, "une dissection à vif sur le cerveau d’un condamné" (Sainte-Beuve). Et cela nous rappelle que tout homme condamné à n'importe quelle faute est avant tout un être humain qui a eu une vie comme la notre avant. Hum c'est surement mon coté bisounours qui ressort désolée. Mais heureusement qu'il y a eu des hommes comme Hugo qui se sont engagés dans leur écriture pour défendre une cause qui leur semblait juste, cela dit toutes les causes ne sont bonnes à être défendues.
La fin du livre me rappelle celle de Journal d'Hirondelle, (il faut considérer à quel moment le texte s'arrête). J'avais l'impression d'être le personnage, dont pourtant on ignore l'identité. J'ai eu l'impression que sa vie était la mienne, quand jai refermé le livre c'était un peu comme si j'étais morte. Hugo ne voulait pas qu'on puisse s'attacher au héros, car il devait représenter tous les accusés. Pari gagné.

Y'a pas mal d'endroits sur le net où on peut trouver les textes en intégralité, j'vous mets celui-ci parce que je sais que vous aurez la flemme de chercher :]
 
En résumé : Un des récits les plus marquants, les plus touchants que j'ai pu lire. J'ai trouvé la fin magnifiquement écrite.
 
 

Publié dans : Romans XX°

le 5/10/09

http://milkymoon.cowblog.fr/images/Livres/kafka.gifLe Procès
(Der Prozeß)
Franz Kafka
1925

Challenge ABC : 2/26

Quatrième de couverture
On raconte que c'est grâce aux éditions clandestines du samizdat - et donc, sans nom d'auteur - que fut introduite en Union soviétique la traduction du Procès. Les lecteurs pensèrent, dit-on, qu'il s'agissait de l'oeuvre de quelque dissident, car ils découvraient, dès le premier chapitre, une scène familière : l'arrestation au petit matin, sans que l'inculpé se sût coupable d'aucun crime, les policiers sanglés dans leur uniforme; l'acceptation immédiate d'un destin apparemment absurde, etc. Kafka ne pouvait espérer une plus belle consécration posthume. Et pourtant, les lecteurs se trompaient. Le projet de Kafka n'était pas de dénoncer un pouvoir tyrannique ni de condamner une justice mal faite. Le procès intenté à Joseph K., qui ne connait pas ses juges, ne relève d'aucun ordre et ne pouvait s'achever ni sur un acquittement ni sur une damnation, puisque Joseh K. n'était coupable que d'exister.

Avis
Lecture longue, car il se passe peu de choses. On ne sait pas bien à quoi va aboutir tout ce qu'entreprend Joseph K., au début on pense que ce n'est qu'une blague qui sera réglée rapidement, et il ne fait que subir son procès. Mais au fur et à mesure que le livre avance, on se demande comment il va sortir de ce pétrin, il essaye de prendre en main le dénouement de son accusation. Mais comment réussir, quand on ne sait même pas le motif de notre crime ? On ressent aussi l'impasse dans laquelle Joseph K. se trouve, il semble définitivement impossible de réussir à gagner son procès. Son destin est dans les mains de personnages qu'on ne verra jamais. Bien aimé la fin, comme le dit le résumé ; le procès ne pouvait s'achever ni sur une condamnation ni sur un acquittement ...
 
En résumé :  J'admire Kafka qui réussi à écrire un livre entier sur un procès qui ne comporte aucune accusation.


Extrait
"Comme un chien !" dit-il, c'était comme si la honte dût lui suivre.

Publié dans : Romans XIX°

le 26/9/09

http://milkymoon.cowblog.fr/images/Livres/LeRougeetleNoirouvrageprogramme.gifLe Rouge et le Noir
Stendhal
1830

Quatrième de couverture
Après trente ans de travail acharné, Stendhal est digne d'improviser ; il sait peindre d'un premier trait, d'un seul trait. Il a lentement créé cet instrument de prose rapide, qui est lui-même : son style le plus parfait est devenu sa voix naturelle. L'originalité n'est plus qu'un but qu'ils se propose : elle est en lui...
La revanche imaginaire, ce rêve de compensation qui succède à la douleur de l'échec et en marque la convalescence, est un des excitants les plus forts de l'imagination créatrice. C'est sous cet aspect de revanche imaginaire qu'il faut voir la transposition de Stendhal en Julien, sa minceur. Les souvenirs directs gardent leur accent secret et déchirant parce qu'ils sont placés parmi les enthousiasmes de la revanche imaginaire." Jean Prévost

Avis
Alors tout d'abord, c'est quoi cette quatrième de couverture ? L'histoire n'est même pas annoncée, et je vois pas où est l'intérêt de nous parler de la "revanche imaginaire". Non mais franchement. Bref, voici l'histoire :
Julien, jeune provincial, entre en tant que précepteur chez les Rênal. Sa rigueur et son orgueil rendront l'amour qu'il partage avec Madame de Rênal impossible. Il entre en séminaire pendant plusieurs années puis devient secrétaire du Marquis de la Mole à Paris. C'est là qu'il rencontre Mathilde, son "double" féminin. Partagé entre ses sentiments pour Madame de Rênal et ceux pour Mathilde, malgré son ambition, il est poussé à faire un acte, un acte qui pourrait bien lui coûter la vie.

Je crois que je ne me suis jamais autant identifiée à un personnage de roman qu'à Julien. C'était comme si Stendhal anticipait mes réactions, savait de quelle manière je réagirais. J'aime bien ce personnage, il est super ambigü : modeste, orgueilleux, intelligent, pudique par rapport à ses sentiments. Il est fort et faible à la fois, c'est ce qui fait tout le mystère de Julien, et tout son intérêt.
Les moments de confrontation entre Julien et Mathilde étaient juste géniaux. Je voulais à tout prix savoir ce qui se passerait quand ces deux esprits si similaires s'affronteraient. Je trouve que Mathilde et Julien n'étaient pas "compatibles" car ils pensaient de la même façon. C'était captivant mais effrayant vous voyez. Pour moi ce n'était pas de l'amour comme avec Madame de Rênal, c'était plutôt une sorte de fascination l'un envers l'autre.
Et puis j'ai un faible pour les prisonniers dans les livres, donc encore une fois la fin m'a ravie. J'avais pour objectif de lire ce roman avant mon bac de français, voilà chose faite. Comme il est catalogué dans les classiques, j'avais un peu peur d'être déçue par un livre de 600 pages, mais au final y'a eu beaucoup de choses très intéressantes. Cela dit, un voile plane encore pour moi au niveau du titre, j'ai lu quelques trucs dessus mais ça ne m'a pas vraiment éclairée.

En résumé : Trèèèèès longue lecture, et vous savez que ça me motive moyennement. Au final j'ai surtout aimé les passages entre Mathilde et Julien.

 

Extraits
* "L'importance ! Monsieur, n'est-ce rien ? Le respect des sots, l'ébahissement des enfants, l'envie des riches, le mépris du sage." ( de Barnave, en épigraphe)

* "Julien la regarda froidement avec des yeux où se peignait le plus souverain mépris."

* "vide de sens, niais, faible, en un mot féminin."

* "L'amour fait les égalités et ne les cherche pas"
(de Corneille, en épigraphe)

* "Leur bonheur avait quelque fois la physionomie du crime."

* "La parole a été donnée à l'homme pour cacher sa pensée."
(de Malagrida, en épigraphe)

* "Illustre et vaste corporation à laquelle j'ai l'honneur d'appartenir, je ne suis qu'un sot."

* "Je sens que je vous aime de l'amour le plus violent."

* "Tout bon raisonnement offense."

* "Voici toute ma politique : j'aime la musique ; la peinture ; un bon livre est un évènement pour moi."

* "Toute vraie passion ne songe qu'à elle."

* "Il ne faut jamais dire le hasard, mon enfant, dites la Providence."

* "Un coeur un peu sensible voit l'artifice."

* "Il avait un désavantage énorme aux yeux de la beauté, il était fort laid."

* "Il méprise les autres et c'est pour cela que je ne le méprise pas."

* "Elle avait infiniment d'esprit, et cet esprit triomphait dans l'art de torturer les amours propres et de leur infliger des blessures cruelles."

* "Oui, couvrir de ridicule cet être si odieux, que j'appelle moi, m'amusera."

* "Elle lui proposa sérieusement de se tuer avec lui."

* "Grand Dieu ! Pourquoi suis-je moi?"

Publié dans : Romans XX°

le 17/9/09

  http://milkymoon.cowblog.fr/images/Livres/etrangercamus1261103393.jpg L'étranger
Albert Camus
1942

 
Quatrième de couverture
Quand la sonnerie a encore retenti, que la porte du box s'est ouverte, c'est le silence de la salle qui est monté en moi, le silence, et cette singulière sensation que j'ai eue lorsque j'ai constaté que le jeune journaliste avait détourné les yeux. Je n'ai pas regardé du côté de Marie. Je n'en ai pas eu le temps parce que le président m'a dit dans une forme bizarre que j'aurais la tête tranchée sur une place publique au nom du peuple français...

Avis
“Dans notre société tout homme qui ne pleure pas à l'enterrement de sa mère risque d'être condamné à mort.” disait Camus à propos de L'étranger. Cette phrase à elle seule pourrait résumer le livre. On voit bien l'absurdité de la chose, et c'est ce que tout le livre nous montrera.

Inspiration
Je crois que le mieux pour parler de ce livre est de commencer par sa source d'inspiration. On m'a raconté que Camus avait écrit L'étranger à partir d'un poème de Baudelaire du même nom, le voici :

"- Qui aimes-tu le mieux, homme énigmatique, dis ? Ton père, ta mère, ta soeur ou ton frère ?
- Je n'ai ni père, ni mère, ni soeur, ni frère.
- Tes amis ?
- Vous vous servez là d'une parole dont le sens m'est resté jusqu'à ce jour inconnu.
- Ta patrie ?
- J'ignore sous quelle latitude elle est située.
- La beauté ?
- Je l'aimerais volontiers, déesse et immortelle.
- L'or ?
- Je le hais comme vous haïssez Dieu.
- Eh! Qu'aimes-tu donc, extraordinaire étranger ?
- J'aime les nuages... les nuages qui passent... là-bas... là-bas... les merveilleux nuages !"

♠ Le récit en deux parties
L'histoire se divise en deux parties. La première est marquée par la mort de la mère de Meursault, qui ne semble pas particulièrement affecté. Tout le long de la première partie, c'est un détachement du personnage, un détachement dans ses émotions. Le terme d' "étranger" est tellement justifié : étranger à la société, étranger à sa propre famille, étranger à ses émotions ; en somme étranger à lui-même. En ce sens, on peut sans problème le qualifier d'anti-héros. La lecture de cette partie n'accroche pas vraiment, il ne se passe presque rien (et c'est voulu), jusqu'à ce qu'on arrive à un moment de rupture.

Meursault tue un homme et se fait emprisonner. Durant toute la deuxième partie on le suivra dans sa cellule de prison et jusqu'au dénouement de son procès. Paradoxalement, j'ai trouvé que lorsqu'il était enfermé, il libérait totalement ses pensées, contrairement à la première partie où il est encore libre. Les deux parties du livre se contrastent et s'opposent. J'ai préféré la deuxième partie justement pour le fait qu'on ait plus accès aux sentiments de Meursault, qui m'a semblé plus humain à ce moment là, et moins étranger. En plus vous connaissez mon faible pour les récits de prisonniers..

♠ Le procès
Le procès de Meursault ne sera qu'une grosse blague, et je dis ça parce que sa condamnation ne repose que sur l'argument qu'il n'a pas pleuré à l'enterrement de sa mère ; donc par raisonnement très logique, cet homme est un monstre insensible qui tue les gens sans le moindre remord. Nous lecteur, on connait les circonstances de son acte, et on ne peut pas voir ce procès autrement que comme une énorme injustice, et ç'en est risible vu les preuves pathétiques de sa culpabilité (le fait qu'il n'ait pas pleuré à l'enterrement de sa mère des mois auparavant).
 
En résumé : Le récit d'un homme étranger à la société et à lui-même, victime de l'absurdité de son époque. Beaucoup aimé, surtout la fin. Du grand art je l'admets.


Extraits
* "J'ai compris alors qu'un homme qui n'aurait vécu qu'un seul jour pourrait sans peine vivre cent ans dans une prison. Il aurait assez de souvenirs pour ne pas s'ennuyer."

* "Voilà l'image de ce procès. Tout est vrai et rien n'est vrai !"

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