"Le monde n'est qu'un amas de taches confuses, jetées sur le vide par un peintre insensé, sans cesse effacées par nos larmes." Nouvelles Orientales - Yourcenar

Publié dans : Contes/Nouvelles

le 1/5/10

http://milkymoon.cowblog.fr/images/Livres/orientales.gifNouvelles Orientales
Marguerite Yourcenar
1938

Challenge ABC : 24/26

Quatrième de couverture
Avec ces Nouvelles, écrites au cours des dix années qui ont précédé la guerre, la tentation de l'Orient est clairement avouée dans le décor, dans le style, dans l'esprit des textes. De la Chine à la Grèce, des Balkans au Japon, ces contes accompagnent le voyageur comme autant de clés pour une seule musique, venue d'ailleurs. Les surprenants sortilèges du peintre Wang-Fô, " qui aimait l'image des choses et non les choses elles-mêmes ", font écho à l'amertume du vieux Cornelius Berg, " touchant les objets qu'il ne peignait plus ". Marko Kralievitch, le Serbe sans peur qui sait trompait les Turcs et la mort aussi bien que les femmes, est frère du prince Genghi, sorti d'un roman japonais du XIe siècle, par l'égoïsme du séducteur aveugle à la passion vraie, comme l'amour sublime de sacrifice de la déesse Kâli, " nénuphar de la perfection ", à qui ses malheurs apprendront enfin l'inanité du désir... "

Avis
Point Challenge
A la base je ne voulais pas lire ce livre pour le challenge, mais je me suis dit que je me réserverai Kitchen de Banana Yoshimoto pour le challenge ABC prochain. En parlant du challenge, j'ai enfin trouvé quoi lire pour ma lettre en X, enfin. Comme me l'a astucieusement proposé 100choses, je vais prendre un roman anonyme, écrit par une personne X... *roulement de tambours* : Le roman de Renart.
 
Le contenu des nouvelles
Alors que dire de ces nouvelles orientales ? J'ai beaucoup aimé ce côté oriental, justement. Ca change de l'ordinaire, on plonge avec plaisir dans des régions inhabituelles. La plupart des nouvelles m'ont beaucoup plu, d'autre moins. Ma préférée reste la première : Comment Wang-Fô fut sauvé, qui dégage une poésie très délicate. Une chose qui m'a dérangée, ce sont les passages assez durs : sanglants, et de la torture (notamment Marko crucifié ou Kostis le Rouge). Passages difficiles à avaler parce que je suis une âme sensible, mais d'un autre côté ils sont indispensables pour créer l'atmosphère voulue par l'auteur et cette impression d'ensemble que j'en garde. A part ça, j'ai trouvé dans ces nouvelles beaucoup de soleil et de poésie. Je fermais les yeux et avais l'impression de me trouver sur une de ces îles grecques baignée dans le soleil. On cottoie des déesses (Kâli, "nénuphar de la perfection"), des nymphes, des peintres, des sauvages, et l'amour. L'amour maternel d'une femme pour son bébé, un amour parmi tant d'autres du prince Genghi, l'amour étrange de Panégyotis pour les Néréides, l'amour impossible d'Aphrodissia pour Kostis le Rouge... On quitte le mode de vie occidental, c'est totalement différent, j'ai adoré ce dépaysement. Ces contes sont un monde à part, inconnu au lecteur, et c'est ce qui fait tout leur charme.

La forme du recueil
Je voudrais mettre en évidence le "mouvement" de ce recueil. L'ordre des nouvelles n'a pas été choisi par hasard (du moins c'est ainsi que je le comprends). Pour commencer, la fuite du peintre Wang-Fô annonce l'univers de toutes ces nouvelles. Wang-Fô, dans sa barque, nous montre le chemin, et on le suit. Les nouvelles s'enchaînent. Les trois dernières, elles, présageaient la fin de cet univers, comme si elles nous préparaient à le quitter. Il y a comme de la nostalgie, surtout dans la dernière, où on rentre en Europe avec Cornélius Berg. Je n'ai pas encore parlé de la superbe écriture de Marguerite Yourcenar, très très bonne découverte. J'ai hâte de me plonger dans L'Oeuvre au Noir qui attend patiemment sur mon étagère depuis 2 ans.

En résumé : Une très belle découverte de la plume de Marguerite Yourcenar. Ces nouvelles m'ont complètement dépaysée. J'y ai trouvé beaucoup de soleil et de poésie.


Extraits
* "Le monde n'est qu'un amas de taches confuses, jetées sur le vide par un peintre insensé, sans cesse effacées par nos larmes."

* "Cet homme raffiné peut enfin goûter tout son saoul au luxe suprême qui consiste à se passer de tout."

* "Genghi lisait les Ecritures et trouvait à ces versets austères une saveur qui manquait désormais pour lui aux plus pathétiques vers d'amour."

* "Il lui fallut se rendre compte que les ténèbres pour lui commenceraient avant la mort."

* "Dans un univers où tout passe comme un songe, on s'en voudrait de durer toujours."

* "Ses oreilles un peu allongées encadraient obliquement son crâne à la façon des anses d'une amphore."

* "Il est sorti du monde des faits pour entrer dans celui des illusions, et il m'arrive de penser que l'illusion est peut-être la forme que prennent aux yeux du vulgaire les plus secrètes réalités."

* "un jeune pin écailleux dont la résine versait des pleurs d'or"

* "Dieu est un grand peintre."

* "son harem floral"

Publié dans : Contes/Nouvelles

le 5/4/10

http://milkymoon.cowblog.fr/images/Livres/queneau.jpgExercices de style
Raymond Queneau
1947

Challenge ABC : 22/26


Quatrième de couverture
Le narrateur rencontre, dans un autobus, un jeune homme au long cou, coiffé d'un chapeau orné d'une tresse au lieu d'un ruban. Le jeune homme échange quelques mots assez vifs avec un autre voyageur, puis va s'asseoir à une place devenue libre. Un peu plus tard, le narrateur rencontre le même jeune homme en grande conversation avec un ami qui lui conseille de faire remonter le bouton supérieur de son pardessus.
Cette brève histoire est racontée quatre-vingt-dix-neuf fois, de quatre-vingt-dix-neuf manières différentes. Mise en images, portée sur la scène des cabarets, elle a connu une fortune extraordinaire.

Avis
Vous savez combien j'aime Queneau, qui est pour moi un des dieux (avec Perec) de la littérature française moderne. Ici, 99 fois la même histoire. Et non, on ne s'en lasse même pas. En soi pas très intéressante, Queneau arrive à nous la faire redécouvrir de 99 façons différentes. Comment ? En passant par différents personnages (le narrateur, le jeune homme, son voisin, un autre observateur...), différents sens (ouïe, vue, toucher, odorat, goût), différents accents (campagnard, anglais, italien...), différents poèmes (ode, sonnet...), différentes figures de style (litote, apocope...), différents temps (passé simple, imparfait, présent...), différents champs lexicaux (mathématique, biologiste, gastronomique...) et bien d'autres encore.
Mes préférées ? J'ai souri quand j'ai lu Géométrique et Anglicismes.
Ce texte est un des précurseurs du mouvement Oulipo, dont je vous avais parlé ici. Il est très facilement transposable au théâtre. Je me souviens qu'on en avait joué certains textes, ça donne un résultat assez sympa !

En résumé : J'ai ressenti le plaisir qu'avait Queneau de jouer avec la langue, un vrai régal, comme toujours.


Extrait
"Il finit par s'avérer être celui d'un cyclothymique paranoïaque légèrement hypotendu dans un état d'irritabilité hypergastrique."


100ème exercice de style :

Prosopopée

Je t'ai vu, toi le seul chapeau légèrement surélevé parmi cette foule de couvre-chefs, dans la plateforme arrière de l'autobus S. Tu ne semblais pas ravi de ton voisin, un béret en plus, qui allait et venait en te bousculant à chaque arrêt. Puis tu as disparu précipitamment dans la mer de chapeaux.
Ô chapeau. Pourquoi t'être orné de cette si ridicule façon, avec une tresse au lieu d'un ruban ? Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ?
Enfin, je t'ai retrouvé deux heures plus tard devant la gare Saint-Lazare. Tu te déplaçais en compagnie d'un melon. Votre attention était tournée vers le bas. Pourquoi ne me regardes-tu pas moi ?

Publié dans : Contes/Nouvelles

le 20/1/10

http://milkymoon.cowblog.fr/images/Livres/allen.gifPour en finir une bonne fois pour toutes avec la culture
(Getting even)
Woody Allen
1973

Challenge ABC : 13/26

Quatrième de couverture
Nat Ackerman est vautré sur son lit, concentré sur la lecture du Daily News. Surgissant de la fenêtre, un personnage sinistre fait une entrée théâtrale. La Mort (car c'est elle) n'est pas d'humeur à rigoler : elle s'est coincé le talon dans la gouttière et elle a un bon de commande à remplir. Histoire de se détendre, tous deux entament une partie de gin-rummy qui pourrait bien les réconcilier...

"Non seulement Dieu n'existe pas, mais essayez d'avoir un plombier pendant le week-end !"

Avis
Je dois dire que je suis assez mitigée sur ces nouvelles. Pour certaines d'entre elles, je me suis carrément ennuyée (Les listes Metterling, Parlez un peu plus fort s'il vous plaît, Entretiens avec Helmholtz, Viva Vargas! pour ne citer qu'elles). D'autres ont réussi à me faire rire, tant la chose était absurde (Le Huitième Sceau, Souvenirs de jeunesse d'un esthète). J'avais lu il y a un an L'erreur est humaine, et j'avais adoré. Maintenant que je connaissais un peu le genre d'Allen, que je savais à quoi m'attendre, ça m'a moins plut. On retrouve toujours le même humour, mais il m'a paru assez lourd à certains moments. Et je ne sais pas si c'est moi ; j'ai l'impression que notre cher Woody est obsédé par les français, la psychanalyse, Dieu, et le judaïsme...

En résumé : Assez mitigée sur ce deuxième recueil que je lis de W.Allen. Certaines nouvelles excellentes comme d'autres lourdes et ennuyeuses.


Extraits
* "Pourquoi nos jours sont-ils comptés, au lieu d'être classés par ordre alphabétique ?"

* "Quand une fille semble davantage à son aise dans un bocal rempli d'huile que dans une robe du soir, elle a tout de même de gros problèmes."

* "Picasso était un petit homme qui avait une drôle de façon de marcher en posant un pied devant l'autre et ainsi de suite jusqu'à ce qu'il exécute ce qu'il appelait des "pas"." (lire Souvenirs de jeunesse d'un esthète pour remettre dans le contexte).

Publié dans : Contes/Nouvelles

le 23/12/09

http://milkymoon.cowblog.fr/images/Livres/peur.jpgLa Peur et autres contes fantastiques
Guy de Maupassant
1888 (?)

Quatrième de couverture :
La peur (et les hommes les plus hardis peuvent avoir peur), c'est quelque chose d'effroyable, une sensation atroce, comme une décomposition de l'âme, un spasme affreux de la pensée et du coeur, dont le souvenir seul donne des frissons d'angoisse.

Avis :
Ce livre contient les 6 nouvelles suivantes : Sur l'eau, La Peur, La Main, Apparition, Lui ?, et Qui sait ?. Chacune d'elle est angoissante à sa manière. Si vous voulez une bonne dose de frousse, ce recueil est parfait. Ce que j'aime avec le fantastique, c'est qu'on ne peut pas prévoir le dénouement, c'est complètement irrationnel. On ne peut pas se rassurer en se disant "C'est bon, je sais que le héros va faire ceci ou cela", parce que les éléments extérieurs qui lui arrivent sont imprévisibles et surnaturels. J'avais aimé toutes les nouvelles, à part La Main qui est un peu glauque, ma préférée est Qui sait ? : les meubles de la maison d'un gars se mettent à bouger et à disparaitre. Sinon j'avais lu d'autres nouvelles fantastiques de Maupassant qui ne sont pas dans ce recueil mais néanmoins dans le même esprit : La Folle, La Parure, Un Fou ?, et surtout La Chevelure qui m'avait beaucoup marquée. Il ne me reste plus qu'à lire Boule de Suif, apparemment la meilleure nouvelle de Maupassant.

En résumé : De très bonnes nouvelles fantastiques qui ont réussi à me mettre dans un état d'angoisse et de peur.

Publié dans : Contes/Nouvelles

le 22/11/09

http://milkymoon.cowblog.fr/images/Livres/eco.gifComment voyager avec un saumon
(Il secondo diario minimo)
Umberto Eco
1992 (1997 en France)

Challenge ABC : 8/26

Quatrième de couverture
Humoriste, polémiste, railleur, Umberto Eco nous raconte ici en toute liberté sa vie, mode d'emploi : il pourfend avec jubilation l'absurde qui nous gâche l'existence, les objets qui nous résistent, les gadgets qui nous asservissent ou l'administration qui nous englue. Avec lui, le quotidien, dans ce qu'il a de plus ordinaire, prend des allures de fantasmagorie. Déjeuner en avion vire à la tragi-comédie et voyager avec un saumon devient une épopée burlesque.

Avis
Eco s'imagine dans des situations assez étranges, comme dans Voyager avec un saumon, fait des remarques justes sur notre société comme dans Présenter un catalogue d'art, et rit des faits médiatiques comme dans Parler des animaux. J'ai trouvé ce recueil original et très plaisant à lire, j'ai bien aimé ce concept de "mode d'emploi" qui sert à dénoncer les absurdités de la vie et en plus m'a bien fait rire. Mes préférés ? Comment répondre à la question "comment ça va?" et Comment mettre des points de suspension.

En résumé : J'ai adoré ce concept de "modes d'emploi" ainsi que la manière dont Eco nous parle de sujets d'actualité.


Extraits
* "Être ou... ne pas être, telle est la question", "Être ou ne pas être, telle est... la question", "Être ou ne pas... être, telle est la question". Vous imaginez combien la critique shakespearienne aurait dû se creuser la cervelle sur les intentions cachées du Barde. (Comment mettre des points de suspention)

* "Les petits poids, on le sait, sont des objets insaisissables."

* "Croyez-moi, payer en dollar caïman, ça vous fait l'effet d'être à disneyland."

* "Jouant entre structuralisme et mai 68, on pouvait dire que, selon la théorie de la contradiction de Mao -laquelle introduit la triade hégélienne dans les principes binaires du Yin et du Yang."

* Rire du débile est devenu "politically correct".

* "Il (l'ordinateur) explique pas à pas au fidèle la marche à suivre pour atteindre, si non le royaume des cieux, du moins l'instant final de l'impression du document."

<< Post | 1 | 2 | Ante >>

Créer un podcast