Nouvelles Orientales
Marguerite Yourcenar
1938
Marguerite Yourcenar
1938
Challenge ABC : 24/26
Quatrième de couverture
Avec ces Nouvelles, écrites au cours des dix années qui ont précédé la guerre, la tentation de l'Orient est clairement avouée dans le décor, dans le style, dans l'esprit des textes. De la Chine à la Grèce, des Balkans au Japon, ces contes accompagnent le voyageur comme autant de clés pour une seule musique, venue d'ailleurs. Les surprenants sortilèges du peintre Wang-Fô, " qui aimait l'image des choses et non les choses elles-mêmes ", font écho à l'amertume du vieux Cornelius Berg, " touchant les objets qu'il ne peignait plus ". Marko Kralievitch, le Serbe sans peur qui sait trompait les Turcs et la mort aussi bien que les femmes, est frère du prince Genghi, sorti d'un roman japonais du XIe siècle, par l'égoïsme du séducteur aveugle à la passion vraie, comme l'amour sublime de sacrifice de la déesse Kâli, " nénuphar de la perfection ", à qui ses malheurs apprendront enfin l'inanité du désir... "
Avis
♠ Point Challenge ♠
A la base je ne voulais pas lire ce livre pour le challenge, mais je me suis dit que je me réserverai Kitchen de Banana Yoshimoto pour le challenge ABC prochain. En parlant du challenge, j'ai enfin trouvé quoi lire pour ma lettre en X, enfin. Comme me l'a astucieusement proposé 100choses, je vais prendre un roman anonyme, écrit par une personne X... *roulement de tambours* : Le roman de Renart.
♠ Le contenu des nouvelles ♠
Alors que dire de ces nouvelles orientales ? J'ai beaucoup aimé ce côté oriental, justement. Ca change de l'ordinaire, on plonge avec plaisir dans des régions inhabituelles. La plupart des nouvelles m'ont beaucoup plu, d'autre moins. Ma préférée reste la première : Comment Wang-Fô fut sauvé, qui dégage une poésie très délicate. Une chose qui m'a dérangée, ce sont les passages assez durs : sanglants, et de la torture (notamment Marko crucifié ou Kostis le Rouge). Passages difficiles à avaler parce que je suis une âme sensible, mais d'un autre côté ils sont indispensables pour créer l'atmosphère voulue par l'auteur et cette impression d'ensemble que j'en garde. A part ça, j'ai trouvé dans ces nouvelles beaucoup de soleil et de poésie. Je fermais les yeux et avais l'impression de me trouver sur une de ces îles grecques baignée dans le soleil. On cottoie des déesses (Kâli, "nénuphar de la perfection"), des nymphes, des peintres, des sauvages, et l'amour. L'amour maternel d'une femme pour son bébé, un amour parmi tant d'autres du prince Genghi, l'amour étrange de Panégyotis pour les Néréides, l'amour impossible d'Aphrodissia pour Kostis le Rouge... On quitte le mode de vie occidental, c'est totalement différent, j'ai adoré ce dépaysement. Ces contes sont un monde à part, inconnu au lecteur, et c'est ce qui fait tout leur charme.
♠ La forme du recueil ♠
Je voudrais mettre en évidence le "mouvement" de ce recueil. L'ordre des nouvelles n'a pas été choisi par hasard (du moins c'est ainsi que je le comprends). Pour commencer, la fuite du peintre Wang-Fô annonce l'univers de toutes ces nouvelles. Wang-Fô, dans sa barque, nous montre le chemin, et on le suit. Les nouvelles s'enchaînent. Les trois dernières, elles, présageaient la fin de cet univers, comme si elles nous préparaient à le quitter. Il y a comme de la nostalgie, surtout dans la dernière, où on rentre en Europe avec Cornélius Berg. Je n'ai pas encore parlé de la superbe écriture de Marguerite Yourcenar, très très bonne découverte. J'ai hâte de me plonger dans L'Oeuvre au Noir qui attend patiemment sur mon étagère depuis 2 ans.
En résumé : Une très belle découverte de la plume de Marguerite Yourcenar. Ces nouvelles m'ont complètement dépaysée. J'y ai trouvé beaucoup de soleil et de poésie.
Extraits
* "Le monde n'est qu'un amas de taches confuses, jetées sur le vide par un peintre insensé, sans cesse effacées par nos larmes."
* "Cet homme raffiné peut enfin goûter tout son saoul au luxe suprême qui consiste à se passer de tout."
* "Genghi lisait les Ecritures et trouvait à ces versets austères une saveur qui manquait désormais pour lui aux plus pathétiques vers d'amour."
* "Il lui fallut se rendre compte que les ténèbres pour lui commenceraient avant la mort."
* "Dans un univers où tout passe comme un songe, on s'en voudrait de durer toujours."
* "Ses oreilles un peu allongées encadraient obliquement son crâne à la façon des anses d'une amphore."
* "Il est sorti du monde des faits pour entrer dans celui des illusions, et il m'arrive de penser que l'illusion est peut-être la forme que prennent aux yeux du vulgaire les plus secrètes réalités."
* "un jeune pin écailleux dont la résine versait des pleurs d'or"
* "Dieu est un grand peintre."
* "son harem floral"
Bonne lecture avec le roman de Renard, ce sont des histoires que j'aimais beaucoup enfant.