Voyage au bout de la nuit
Louis-Ferdinand Céline
1932
Louis-Ferdinand Céline
1932
Challenge ABC : 26/26
Quatrième de couverture
"- Oh ! Vous êtes donc tout à fait lâche, Ferdinand ! Vous êtes répugnant comme un rat...
- Oui, tout à fait lâche, Lola, je refuse la guerre et tout ce qu'il y a dedans... Je ne la déplore pas moi... Je ne me résigne pas moi... Je ne pleurniche pas dessus moi... Je la refuse tout net, avec tous les hommes qu'elle contient, je ne veux rien avoir à faire avec eux, avec elle. Seraient-ils neuf cent quatre-vingt-quinze millions et moi tout seul, c'est eux qui ont tort, Lola, et c'est moi qui ai raison, parce que je suis le seul à savoir ce que je veux : je ne veux plus mourir."
Avis
Enfin ! Je suis restée bien 5 mois sur ce livre... oui j'ai du mal avec les longs romans. C'est pas faute d'être ennuyeux, au contraire. J'ai trouvé l'écriture... juste géniale. L'histoire en elle même ne m'a pas toujours beaucoup captivée, mais la manière dont le narrateur t'envoie son histoire en pleine face, comme s'il te la crachait son histoire, c'était excellent.
Le récit de Ferdinand Bardamu se décompose en 5 phases. La première, c'est la guerre. Mais la guerre l'ayant plus que dégouté, il quitte la France pour une colonie en Afrique. Je pense que c'est la partie que j'ai préférée, l'environnement tropical toussa toussa, j'aime beaucoup. Mais là encore, le système colonial le répugne. "La poésie des Tropiques me dégoutait. Mon regard, ma pensée sur ces ensembles me revenait comme du thon." Ce qui conduit notre ami Bardamu à New York, où il fait la rencontre du capitalisme américain. "Quand les fidèles entrent dans leur Banque, faut pas croire qu'ils peuvent se servir comme ça selon leur caprice. Pas du tout. Ils parlent à Dollar en lui murmurant des choses à travers un petit grillage, ils se confessent quoi." Il revient donc en France où on le retrouve une dizaine d'année plus tard, exerçant la profession de médecin... oui ça m'a surprise, c'était bien la dernière des professions que je le voyais exercer. Enfin soit. Cette partie du roman est celle où j'ai le moins accroché, ça se passe dans une banlieue parisienne, et Bardamu s'occupe essentiellement de malades. On sentait une certaine résignation, une sorte de fatalité dans son ton. "Bientôt, il n'y aura plus que des gens et des choses inoffensifs, pitoyables et désarmés tout autour de notre passé, rien que des erreurs devenues muettes". Enfin, la dernière partie de son histoire se déroule dans un asile, c'est gai.
A chaque étape, Bardamu tombe comme par hasard sur Robinson, un type qu'il rencontre pendant la guerre. C'est comme si leur destin était lié. A chaque fois quand Robinson disparaissait, on se croyait débarrassé de lui, mais non, il est là jusqu'à la fin. En parlant de fin, eh bien, elle m'a laissée perplexe la fin. Tout ça pour dire que j'ai vraiment beaucoup aimé l'écriture, ce ton de lâcheté, de passivité complète. Bardamu est un anti-héros, je sais pas si la comparaison est pertinente mais il m'a rappelé L'étranger de Camus. On comprend mieux ce qu'évoque le titre, cette "nuit" dans laquelle il s'enfonce et s'enfonce, cette pourriture du monde dont il s'efforce de rendre compte. Petite note : Céline s'est inspiré de son expérience personnelle de la guerre de 14/18 et en tant que médecin pour écrire ce livre, mais ce livre n'est toutefois pas une autobiographie.
En résumé : Avec du recul, ce livre m'a marquée. Le style incomparable de la narration, la vision du monde de cet anti-héros persistent dans ma mémoire, et c'est le signe que j'ai affaire à un excellent bouquin.
Extraits
* "Les fleurs c'est comme les hommes. Plus c'est gros et plus c'est con."
* "candidement cannibale"
* "Il offrait à cette petite fille lointaine assez de tendresse pour refaire un monde entier, et cela ne se voyait pas."
* (à propos des crépuscules) : "Tragiques chaque fois comme d'énormes assassinats du soleil."
* "Il s'appelait "Surgeon général" ce qui serait un beau nom pour un poisson."
* "A 37° tout devient banal."
* (à propos du métro) : "rempli de viandes tremblotantes"
* "On aurait dit des grosses bêtes bien dociles, bien habituées à s'ennuyer."
* "mon néant individuel"
* "une sorte de moulin à café à monnaie."
* "L'existence ça vous tord et ça vous écrase la face."
* "C'est le voyageur solitaire qui va le plus loin."
* "L'avenir, je vois comment qu'y sera... Ca sera comme une partouze qui n'en finira plus."
* "des précautions d'assassinat"
* (à propos des journaux) : "formidable artichaut de nouvelles en train de rancir"
* "Ah il y en a qui vont au Théâtre pour se faire des émotions ! Mais je vous le dis : il est ici le théâtre !"
* "La vie n'est qu'un délire tout bouffi de mensonges."
* "Quand on commence à se cacher des autres, c'est signe qu'on a peur de s'amuser avec eux. C'est une maladie en soi. Il faudrait savoir pourqoi on s'entête à le pas guérir de la solitude."
* "Un fou, ce n'est que les idées ordinaires d'un homme mais bien enfermées dans une tête."
* "Et ce n'est plus, autour d'eux, qu'une ragouillasse dégueulasse de débris organiques, une marmelade de symptômes de délires en compote."
- Oui, tout à fait lâche, Lola, je refuse la guerre et tout ce qu'il y a dedans... Je ne la déplore pas moi... Je ne me résigne pas moi... Je ne pleurniche pas dessus moi... Je la refuse tout net, avec tous les hommes qu'elle contient, je ne veux rien avoir à faire avec eux, avec elle. Seraient-ils neuf cent quatre-vingt-quinze millions et moi tout seul, c'est eux qui ont tort, Lola, et c'est moi qui ai raison, parce que je suis le seul à savoir ce que je veux : je ne veux plus mourir."
Avis
Enfin ! Je suis restée bien 5 mois sur ce livre... oui j'ai du mal avec les longs romans. C'est pas faute d'être ennuyeux, au contraire. J'ai trouvé l'écriture... juste géniale. L'histoire en elle même ne m'a pas toujours beaucoup captivée, mais la manière dont le narrateur t'envoie son histoire en pleine face, comme s'il te la crachait son histoire, c'était excellent.
Le récit de Ferdinand Bardamu se décompose en 5 phases. La première, c'est la guerre. Mais la guerre l'ayant plus que dégouté, il quitte la France pour une colonie en Afrique. Je pense que c'est la partie que j'ai préférée, l'environnement tropical toussa toussa, j'aime beaucoup. Mais là encore, le système colonial le répugne. "La poésie des Tropiques me dégoutait. Mon regard, ma pensée sur ces ensembles me revenait comme du thon." Ce qui conduit notre ami Bardamu à New York, où il fait la rencontre du capitalisme américain. "Quand les fidèles entrent dans leur Banque, faut pas croire qu'ils peuvent se servir comme ça selon leur caprice. Pas du tout. Ils parlent à Dollar en lui murmurant des choses à travers un petit grillage, ils se confessent quoi." Il revient donc en France où on le retrouve une dizaine d'année plus tard, exerçant la profession de médecin... oui ça m'a surprise, c'était bien la dernière des professions que je le voyais exercer. Enfin soit. Cette partie du roman est celle où j'ai le moins accroché, ça se passe dans une banlieue parisienne, et Bardamu s'occupe essentiellement de malades. On sentait une certaine résignation, une sorte de fatalité dans son ton. "Bientôt, il n'y aura plus que des gens et des choses inoffensifs, pitoyables et désarmés tout autour de notre passé, rien que des erreurs devenues muettes". Enfin, la dernière partie de son histoire se déroule dans un asile, c'est gai.
A chaque étape, Bardamu tombe comme par hasard sur Robinson, un type qu'il rencontre pendant la guerre. C'est comme si leur destin était lié. A chaque fois quand Robinson disparaissait, on se croyait débarrassé de lui, mais non, il est là jusqu'à la fin. En parlant de fin, eh bien, elle m'a laissée perplexe la fin. Tout ça pour dire que j'ai vraiment beaucoup aimé l'écriture, ce ton de lâcheté, de passivité complète. Bardamu est un anti-héros, je sais pas si la comparaison est pertinente mais il m'a rappelé L'étranger de Camus. On comprend mieux ce qu'évoque le titre, cette "nuit" dans laquelle il s'enfonce et s'enfonce, cette pourriture du monde dont il s'efforce de rendre compte. Petite note : Céline s'est inspiré de son expérience personnelle de la guerre de 14/18 et en tant que médecin pour écrire ce livre, mais ce livre n'est toutefois pas une autobiographie.
En résumé : Avec du recul, ce livre m'a marquée. Le style incomparable de la narration, la vision du monde de cet anti-héros persistent dans ma mémoire, et c'est le signe que j'ai affaire à un excellent bouquin.
Extraits
* "Les fleurs c'est comme les hommes. Plus c'est gros et plus c'est con."
* "candidement cannibale"
* "Il offrait à cette petite fille lointaine assez de tendresse pour refaire un monde entier, et cela ne se voyait pas."
* (à propos des crépuscules) : "Tragiques chaque fois comme d'énormes assassinats du soleil."
* "Il s'appelait "Surgeon général" ce qui serait un beau nom pour un poisson."
* "A 37° tout devient banal."
* (à propos du métro) : "rempli de viandes tremblotantes"
* "On aurait dit des grosses bêtes bien dociles, bien habituées à s'ennuyer."
* "mon néant individuel"
* "une sorte de moulin à café à monnaie."
* "L'existence ça vous tord et ça vous écrase la face."
* "C'est le voyageur solitaire qui va le plus loin."
* "L'avenir, je vois comment qu'y sera... Ca sera comme une partouze qui n'en finira plus."
* "des précautions d'assassinat"
* (à propos des journaux) : "formidable artichaut de nouvelles en train de rancir"
* "Ah il y en a qui vont au Théâtre pour se faire des émotions ! Mais je vous le dis : il est ici le théâtre !"
* "La vie n'est qu'un délire tout bouffi de mensonges."
* "Quand on commence à se cacher des autres, c'est signe qu'on a peur de s'amuser avec eux. C'est une maladie en soi. Il faudrait savoir pourqoi on s'entête à le pas guérir de la solitude."
* "Un fou, ce n'est que les idées ordinaires d'un homme mais bien enfermées dans une tête."
* "Et ce n'est plus, autour d'eux, qu'une ragouillasse dégueulasse de débris organiques, une marmelade de symptômes de délires en compote."
♠ Point Challenge ABC ♠
Ainsi s'achève mon challenge ABC, dans les délais ! J'ai fait d'excellentes découvertes : La vie devant soi de Romain Gary, Si c'est un homme de Primo Levi, Le meilleur des mondes d'Aldous Huxley, La disparition de Georges Perec pour ne citer que ceux qui m'ont le plus marquée. Je ne pense pas recommencer de nouveau ce challenge, je n'aime pas vraiment lire par contrainte. Et puis pour l'instant il me reste le Challenge Livraddict à terminer. Qui sait peut-être que je retenterai l'année prochaine ?
"La vie n'est qu'un délire tout bouffi de mensonges."... cette phrase est dans l'un de mes passages préférés (je m'aperçois qu'il n'est même pas dans mon blog, il faut que j'y remédie) :
"
"La grippe emporta son prodigieux amant. Nous apprîmes le malheur un samedi soir. Aussitôt reçue la nouvelle, elle m'entraîna échevelée, hagarde, à l'assaut de la gare du Nord. Ceci n'était rien encore, mais dans son délire, elle prétendait au guichet arriver à temps à Berlin pour l'enterrement. Il fallut deux chefs de gare pour la dissuader, lui faire comprendre que c'était bien trop tard.
Dans l'état où elle s'était mise on ne pouvait songer à la quitter. Elle y tenait d'ailleurs à son tragique et encore plus à me le montrer en pleine transe. Quelle occasion ! Les amours contrariées par la misère et les grandes distances, c'est comme les amours de marin, y a pas à dire, c'est irréfutable et c'est réussi. D'abord, quand on a pas l'occasion de se rencontrer souvent, on peut pas s'engueuler, et c'est déjà beaucoup de gagné. Comme la vie n'est qu'un délire tout bouffi de mensonges, plus qu'on est loin et plus qu'on peut en mettre dedans des mensonges et plus alors qu'on est content, c'est naturel et c'est régulier. La vérité c'est pas mangeable.
Par exemple à présent c'est facile de nous raconter des choses à propos de Jésus-Christ. Est-ce qu'il allait aux cabinets devant tout le monde Jésus-Christ ? J'ai l'idée que ça n'aurait pas duré longtemps son truc s'il avait fait caca en public. Très peu de présence, tout est là, surtout en amour. "
Et, la phrase mythique qui me vient à l'esprit dès que je pense à ce livre : "L'amour c'est l'infini mis à la portée des caniches, et j'ai ma dignité moi !"