"Tout mentait ! Chaque sourire cachait un bâillement d'ennui, chaque joie sa malédiction, tout plaisir son dégoût." Madame Bauvary - Flaubert

Publié dans : Romans XX°

le 15/6/10

http://milkymoon.cowblog.fr/images/Livres/Celine.pngVoyage au bout de la nuit
Louis-Ferdinand Céline
1932

Challenge ABC : 26/26

Quatrième de couverture
"- Oh ! Vous êtes donc tout à fait lâche, Ferdinand ! Vous êtes répugnant comme un rat...
- Oui, tout à fait lâche, Lola, je refuse la guerre et tout ce qu'il y a dedans... Je ne la déplore pas moi... Je ne me résigne pas moi... Je ne pleurniche pas dessus moi... Je la refuse tout net, avec tous les hommes qu'elle contient, je ne veux rien avoir à faire avec eux, avec elle. Seraient-ils neuf cent quatre-vingt-quinze millions et moi tout seul, c'est eux qui ont tort, Lola, et c'est moi qui ai raison, parce que je suis le seul à savoir ce que je veux : je ne veux plus mourir."


Avis
Enfin ! Je suis restée bien 5 mois sur ce livre... oui j'ai du mal avec les longs romans. C'est pas faute d'être ennuyeux, au contraire. J'ai trouvé l'écriture... juste géniale. L'histoire en elle même ne m'a pas toujours beaucoup captivée, mais la manière dont le narrateur t'envoie son histoire en pleine face, comme s'il te la crachait son histoire, c'était excellent.

Le récit de Ferdinand Bardamu se décompose en 5 phases. La première, c'est la guerre. Mais la guerre l'ayant plus que dégouté, il quitte la France pour une colonie en Afrique. Je pense que c'est la partie que j'ai préférée, l'environnement tropical toussa toussa, j'aime beaucoup. Mais là encore, le système colonial le répugne. "La poésie des Tropiques me dégoutait. Mon regard, ma pensée sur ces ensembles me revenait comme du thon." Ce qui conduit notre ami Bardamu à New York, où il fait la rencontre du capitalisme américain. "Quand les fidèles entrent dans leur Banque, faut pas croire qu'ils peuvent se servir comme ça selon leur caprice. Pas du tout. Ils parlent à Dollar en lui murmurant des choses à travers un petit grillage, ils se confessent quoi." Il revient donc en France où on le retrouve une dizaine d'année plus tard, exerçant la profession de médecin... oui ça m'a surprise, c'était bien la dernière des professions que je le voyais exercer. Enfin soit. Cette partie du roman est celle où j'ai le moins accroché, ça se passe dans une banlieue parisienne, et Bardamu s'occupe essentiellement de malades. On sentait une certaine résignation, une sorte de fatalité dans son ton. "Bientôt, il n'y aura plus que des gens et des choses inoffensifs, pitoyables et désarmés tout autour de notre passé, rien que des erreurs devenues muettes". Enfin, la dernière partie de son histoire se déroule dans un asile, c'est gai.

A chaque étape, Bardamu tombe comme par hasard sur Robinson, un type qu'il rencontre pendant la guerre. C'est comme si leur destin était lié. A chaque fois quand Robinson disparaissait, on se croyait débarrassé de lui, mais non, il est là jusqu'à la fin. En parlant de fin, eh bien, elle m'a laissée perplexe la fin. Tout ça pour dire que j'ai vraiment beaucoup aimé l'écriture, ce ton de lâcheté, de passivité complète. Bardamu est un anti-héros, je sais pas si la comparaison est pertinente mais il m'a rappelé L'étranger de Camus. On comprend mieux ce qu'évoque le titre, cette "nuit" dans laquelle il s'enfonce et s'enfonce, cette pourriture du monde dont il s'efforce de rendre compte. Petite note : Céline s'est inspiré de son expérience personnelle de la guerre de 14/18 et en tant que médecin pour écrire ce livre, mais ce livre n'est toutefois pas une autobiographie.

En résumé : Avec du recul, ce livre m'a marquée. Le style incomparable de la narration, la vision du monde de cet anti-héros persistent dans ma mémoire, et c'est le signe que j'ai affaire à un excellent bouquin.


Extraits
* "Les fleurs c'est comme les hommes. Plus c'est gros et plus c'est con."

* "candidement cannibale"

* "Il offrait à cette petite fille lointaine assez de tendresse pour refaire un monde entier, et cela ne se voyait pas."

* (à propos des crépuscules) : "Tragiques chaque fois comme d'énormes assassinats du soleil."

* "Il s'appelait "Surgeon général" ce qui serait un beau nom pour un poisson."

* "A 37° tout devient banal."

* (à propos du métro) : "rempli de viandes tremblotantes"

* "On aurait dit des grosses bêtes bien dociles, bien habituées à s'ennuyer."

* "mon néant individuel"

* "une sorte de moulin à café à monnaie."

* "L'existence ça vous tord et ça vous écrase la face."

* "C'est le voyageur solitaire qui va le plus loin."

* "L'avenir, je vois comment qu'y sera... Ca sera comme une partouze qui n'en finira plus."

* "des précautions d'assassinat"

* (à propos des journaux) : "formidable artichaut de nouvelles en train de rancir"

* "Ah il y en a qui vont au Théâtre pour se faire des émotions ! Mais je vous le dis : il est ici le théâtre !"

* "La vie n'est qu'un délire tout bouffi de mensonges."

* "Quand on commence à se cacher des autres, c'est signe qu'on a peur de s'amuser avec eux. C'est une maladie en soi. Il faudrait savoir pourqoi on s'entête à le pas guérir de la solitude."

* "Un fou, ce n'est que les idées ordinaires d'un homme mais bien enfermées dans une tête."

* "Et ce n'est plus, autour d'eux, qu'une ragouillasse dégueulasse de débris organiques, une marmelade de symptômes de délires en compote."


 
Point Challenge ABC
Ainsi s'achève mon challenge ABC, dans les délais ! J'ai fait d'excellentes découvertes : La vie devant soi de Romain Gary, Si c'est un homme de Primo Levi, Le meilleur des mondes d'Aldous Huxley, La disparition de Georges Perec pour ne citer que ceux qui m'ont le plus marquée. Je ne pense pas recommencer de nouveau ce challenge, je n'aime pas vraiment lire par contrainte. Et puis pour l'instant il me reste le Challenge Livraddict à terminer. Qui sait peut-être que je retenterai l'année prochaine ?

Publié dans : Contes/Nouvelles

le 5/4/10

http://milkymoon.cowblog.fr/images/Livres/queneau.jpgExercices de style
Raymond Queneau
1947

Challenge ABC : 22/26


Quatrième de couverture
Le narrateur rencontre, dans un autobus, un jeune homme au long cou, coiffé d'un chapeau orné d'une tresse au lieu d'un ruban. Le jeune homme échange quelques mots assez vifs avec un autre voyageur, puis va s'asseoir à une place devenue libre. Un peu plus tard, le narrateur rencontre le même jeune homme en grande conversation avec un ami qui lui conseille de faire remonter le bouton supérieur de son pardessus.
Cette brève histoire est racontée quatre-vingt-dix-neuf fois, de quatre-vingt-dix-neuf manières différentes. Mise en images, portée sur la scène des cabarets, elle a connu une fortune extraordinaire.

Avis
Vous savez combien j'aime Queneau, qui est pour moi un des dieux (avec Perec) de la littérature française moderne. Ici, 99 fois la même histoire. Et non, on ne s'en lasse même pas. En soi pas très intéressante, Queneau arrive à nous la faire redécouvrir de 99 façons différentes. Comment ? En passant par différents personnages (le narrateur, le jeune homme, son voisin, un autre observateur...), différents sens (ouïe, vue, toucher, odorat, goût), différents accents (campagnard, anglais, italien...), différents poèmes (ode, sonnet...), différentes figures de style (litote, apocope...), différents temps (passé simple, imparfait, présent...), différents champs lexicaux (mathématique, biologiste, gastronomique...) et bien d'autres encore.
Mes préférées ? J'ai souri quand j'ai lu Géométrique et Anglicismes.
Ce texte est un des précurseurs du mouvement Oulipo, dont je vous avais parlé ici. Il est très facilement transposable au théâtre. Je me souviens qu'on en avait joué certains textes, ça donne un résultat assez sympa !

En résumé : J'ai ressenti le plaisir qu'avait Queneau de jouer avec la langue, un vrai régal, comme toujours.


Extrait
"Il finit par s'avérer être celui d'un cyclothymique paranoïaque légèrement hypotendu dans un état d'irritabilité hypergastrique."


100ème exercice de style :

Prosopopée

Je t'ai vu, toi le seul chapeau légèrement surélevé parmi cette foule de couvre-chefs, dans la plateforme arrière de l'autobus S. Tu ne semblais pas ravi de ton voisin, un béret en plus, qui allait et venait en te bousculant à chaque arrêt. Puis tu as disparu précipitamment dans la mer de chapeaux.
Ô chapeau. Pourquoi t'être orné de cette si ridicule façon, avec une tresse au lieu d'un ruban ? Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ?
Enfin, je t'ai retrouvé deux heures plus tard devant la gare Saint-Lazare. Tu te déplaçais en compagnie d'un melon. Votre attention était tournée vers le bas. Pourquoi ne me regardes-tu pas moi ?

Publié dans : Romans XX°

le 7/3/10

http://milkymoon.cowblog.fr/images/Livres/vian.jpgL'Arrache-coeur
Boris Vian
1953

Challenge ABC : 18/26

Quatrième de couverture
Voilà un coin de campagne où l'on a de drôles de façons...La foire aux vieux, par exemple. Curieuse institution ! On sait bien aussi que tous les enfants peuvent voler comme des oiseaux dès qu'ils étendent leurs bras - mais est-ce une raison suffisante pour les enfermer derrière des murs de plus en plus hauts, de plus en plus clos ? Le psychiatre Jacquemort se le demande - puis ne se le demande plus, car il a trop à faire avec la honte des autres, qui s'écoule dans un bien sale ruisseau.
Mais nous, qui restons sur la rive, nous voyons que Boris Vian décrit simplement notre monde. En prenant chacun de nos mots habituels au pied de la lettre, il nous révèle le monstrueux pays qui nous entoure, celui de nos désirs les plus implacables, où chaque amour cache une haine, où les hommes rêvent de navires, et les femmes de murailles.

Avis
Ce fut un plaisir de retrouver cette même poésie que dans L'écume des jours, livre qui m'avait fait découvrir Vian. Un univers déboussolant, déstabilisant (une foire aux vieux, des enfants qui volent, des spectacles de Luxe ; on a jamais vu ça) où l'imagination s'immisce dans la réalité. Ce mélange de poésie et de noirceur à la fois, peut-être même encore plus accentué ici quand dans l'Ecume des jours, détourne la réalité pour en proposer une autre, mais bien plus proche de nous qu'elle n'y paraît.

Au début, on est un peu choqué de ce qui se passe au village, il y a un ou deux passages vraiment durs à lire. On a le même regard que Jacquemort, qui découvre avec horreur et honte le fonctionnement du village. Mais le plus effrayant c'est que personne hormis le nouveau venu ne semble être gêné de frapper les apprentis, de torturer les bêtes, etc. Puis au fur et à mesure, tout comme Jacquemort, on s'habitue. J'ai trouvé la fin un peu plus lente, et surtout concentrée sur les enfants de Clémentine, le village et le psychiatre étant mis de côté.

J'ai adoré les délires de Vian avec la langue, comme par exemple son emploi excessif du trémas sur tous les noms "Citroën, Jeän, La Gloïre, l'Hömme...", ainsi que certains néologismes comme le mélange des mois : " 87 avroût, 132 juillembre..." qui donne au temps une dimension longue, longue, et déréglée comme tout le livre.

Je n'ai pas vraiment réussi à comprendre le titre. L'"arrache-coeur". S'agit-il de Jacquemort, psychiatre "vide" et qui a besoin de psychanalyser les gens pour se remplir ? Ou bien de Clémentine, qui aime tellement ses enfants qu'elle les enferme de peur qu'il ne leur arrive quelque chose ? S'agit-il des villageois, sans aucune valeur morale, qui payent La Gloire pour avoir honte à leur place ? En fait, ça doit être tout cet univers...

En résumé : Encore un magnifique mélange de poésie et de noirceur que nous livre Vian pour décrire la réalité profonde de notre monde.


Extraits
* "Il était follement simple." Et plus loin : "voluptueusement banal."

* "C'est une église, pas un arrosoir."

* "On ne reste pas parce qu'on aime certaines personnes ; on s'en va parce qu'on en déteste d'autres."

* "Ses feuilles en lame de poignard."

Publié dans : Romans XX°

le 10/2/10

http://milkymoon.cowblog.fr/images/Livres/ladisparitiondegeorgeperec.gif La disparition
G.P.
1969


Concours ABC : 14/26

Trahir qui disparut, dans La disparition, ravirait au lisant subtil tout plaisir. Motus donc, sur l'inconnu noyau manquant - « un rond pas tout à fait clos finissant par un trait horizontal » -, blanc sillon damnatif où s'abîma un Anton Voyl, mais d'où surgit aussi la fiction. Disons, sans plus, qu'il a rapport avec la vocalisation. L'aiguillon paraîtra à d'aucuns trop grammatical. Vain soupçon : contraint par son savant pari à moult combinaisons, allusions, substitutions ou circonclusions, jamais G.P. N'arracha au banal discours joyaux plus brillants ni si purs. Jamais plus fol alibi n'accoucha d'avatars si mirobolants. Oui, il fallait un grand art, un art hors du commun, pour fourbir tout un roman sans ça !

Avis
Voilà un roman qui m'apparaît plus qu'original. Un parfait duo liant un fond à "l'incisif plaisir du bon mot". Loin d'avoir un charabia sibyllin, un galimatias confus, un imbroglio, G.P montra ici non sans brio qu'on pouvait obscurcir, assombrir à jamais l'inscription qui nous suivait, paraissant comme la Damnation, dans tout mot. Pari contraignant, mais il voila "un rond pas tout à fait clos finissant par un trait horizontal". Quant au brillant plan du roman ; avatars aussi furtifs qu'attachants, puis un fatal sort qui nous apparaît à la fin trop clair. Bravissimo donc, au grand scribouillard d'Oulipo.


Citations
* "Un charabia sibyllin, un galimatias diffus. Un imbroglio."

* "Un sanglot aussi long qu'un violon automnal."

* "mis sur son vingt-huit plus trois"

* "Nom d'un Toutou !"

* "Marchons, marchons ! D'un sang impur irriguons nos sillons."

* "Pourquoi toujours vouloir unir un Pourquoi à la Mort ?"

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En savoir plus

 Après m'être pliée à cet exercice, rien n'est plus vrai que l'aphorisme de Boileau : ce qui ce conçoit bien s'énonce clairement, et les mots pour le dire viennent bien plus aisément. Vous n'avez sans doute rien compris à mon charabia, don't worry, je me trouvais dans le même état après la lecture du résumé. Sachant le défi que s'était fixé Perec, au début je dois dire que je guettais les mots du coin de l'oeil, je les attendais avec retenue, j'étais attentive à la manière dont l'écrivain allait s'y prendre pour tenir 300 pages. Je prêtais plus attention aux mots eux mêmes qu'au sens de l'histoire. Au fil des pages, je me suis finalement faite à l'idée qu'une voyelle manquait au bouquin et que Perec était un pur génie, l'histoire m'est alors apparue aussi impressionnante que le défi de l'auteur. Tout est lié. La forme est au service du fond. On a à faire à une succession de morts "inexplicables" des personnages. Le roman se construit tel une enquête, on avance de révélations en révélations, le tout sur un style léger, qui ne se prend pas du tout au sérieux. J'ai vraiment trouvé ce livre excellent, transcendant. Par ses inventions, ses détours de la langue pour arriver à s'exprimer tout en respectant son pari, Perec m'a également fait réfléchir sur les mots, leur utilisation, leur étymologie, leur sens. L'auteur faisait parti de l'OuLiPo ; Ouvroir de Littérature Potentielle, dont Queneau que j'adore était aussi un membre.
Il paraitrait que "la disparition" du e pourrait être mise en relation avec la disparition des parents de l'écrivain durant la guerre.
Si une autre oeuvre lipogrammatique ("à qui il manque une lettre ») vous intéresse, il existe si je puis dire l'opposé du livre : Les Revenentes.

En résumé : Un livre extravagant et intelligemment construit, à s'y plonger sans plus attendre. Surement une de mes meilleures lectures.

 

Publié dans : Théâtre

le 24/1/10

http://milkymoon.cowblog.fr/images/Livres/cyranoo.png Cyrano de Bergerac
Edmond Rostand
1897

Résumé
« C'est un roc !... c'est un pic ! c'est un cap !Que dis-je, c'est un cap ? C'est une péninsule ! »
La scène se passe en 1640. Provoqué par un fâcheux, Cyrano se moque. De lui-même et de son nez, objet de sa disgrâce. Séduire Roxane ? Il n'ose y songer. Mais puisqu'elle aime Christian, un cadet de Gascogne qui brille plus par son apparence que par ses reparties, pourquoi ne pas tenter une expérience ? « Je serai ton esprit, tu seras ma beauté, dit Cyrano à son rival. Tu marcheras, j'irai dans l'ombre à ton côté. »
Jeu étrange et dangereux. Christian ne s'y trompe pas. À travers lui, la belle en aime en fait un autre. Mais Cyrano, s'il entrevoit le bonheur un instant, ne peut oublier son physique ingrat. Un drame qui tourne au tragique. Et pourtant quel panache dans cet impossible amour...
 
 
Avis
Cette pièce est sublime, magnifique, grandiose, touchante, pleine de poésie, d'honneur et d'amour. La légende dit qu'après la première représentation au Théâtre de la Porte Saint-Martin, le public a redemandé les acteurs 17 fois. Placée largement en tête de mes oeuvres préférées, c'est un joyau de littérature, terriblement sensible. La diversité des thèmes abordés, les personnages, font de cette pièce un incontournable.
Le héros a pour nom celui d'une personne qui a bel et bien existé dans les années 1619-1655.

Il y a tellement de choses que j'ai aimé dedans. Commençons par le triangle amoureux. Christian, amoureux de Roxanne, a certes la beauté mais pas assez d'esprit pour conquérir le coeur de cette précieuse. Cyrano lui propose son aide, et c'est à travers ses lettres qu'il pourra lui aussi exprimer son amour pour Roxanne. Roxanne, persuadée d'aimer un homme beau et intelligent, ne découvrira la vérité que 10 ans plus tard, juste avant la mort du véritable homme qu'elle a aimé. La fin est magistrale ; le dernier mot prononcé par Cyrano met un point d'honneur à la pièce.

Je tiens aussi à souligner la grande souplesse d'écriture de Rostand. La pièce est entièrement en alexandrins, mais on n'est pas du tout dans les contraintes de la tragédie ou de la comédie du XVII ème siècle. C'est un vrai régal à lire, à jouer également. Les trouvailles de la langue sont excellentes, je citerai par exemple le boulanger Ragueneau. Amoureux des pâtisseries et de la poésie, il n'hésite pas à mélanger astucieusement les deux (acte II scène I):
Vous avez mal placé la fente de ces miches
Au milieu la césure, -entre les hémistiches !


La bien connue scène du balcon, où Cyrano, caché, souffle les mots à Christian pour qu'il aille recueillir un baiser de Roxanne, résume finalement bien le problème de toute la pièce. Christian a la beauté, Cyrano a l'esprit. Lui doit se cacher, vivre dans l'ombre d'un autre (à cause de la laideur de son nez). Cette scène est devenu un classique, repris dans plusieurs autres oeuvres.

En résumé : Ecriture sublime, histoire géniale ; tout simplement ma pièce de théâtre préférée.


Représentation
Le film de 1990 de Jean-Paul Rappeneau avec Gérard Depardieu rend un brillant hommage à la pièce. Lisez la absolument, même si je sais qu'en général vous n'êtes pas de grands fan de théâtre !
 

http://milkymoon.cowblog.fr/images/Divers/cyranodebergerac1989reference-copie-1.jpg

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