(Brave new world)
Aldous Huxley
1931
How beauteous mankind is ! O brave New World !
That has such people in't !" (Tempest, V, 1.)
Challenge ABC : 23/26
En épigraphe
Quatrième de couverture
Bienvenue au Centre d'Incubation et de Conditionnement de Londres-Central. A gauche, les couveuses où l'homme moderne, artificiellement fécondé, attend de rejoindre une société parfaite. A droite : la salle de conditionnement où chaque enfant subit les stimuli qui plus tard feront son bonheur. Tel foetus sera Alpha -l'élite-, tel autre Epsilon -la caste inférieure. Miracle technologique : ici commence un monde parfait, biologiquement programmé pour la stabilité éternelle...
La visite est à peine terminée que déjà certains ricanent. Se pourrait-il qu'avant l'avènement de l'Etat Mondial, l'être humain ait été issu d'un père et d'une mère ? Incroyable, dégoûtant... mais vrai. Dans une réserve du Nouveau Mexique, un homme sauvage a échappé au programme. Bientôt, il devra choisir : intégrer cette nouvelle condition humaine ou persister dans sa démence...
Avis
Ceci est un article long.
Pour mieux vous repérer parmi ces élucubrations, regardez le thème de chaque paragraphe !
Le problème de cette civilisation, c'est qu'elle s'est construite grâce à des moyens scientifiques hyper sophistiqués. On pense pouvoir tout contrôler avec un gramme de pseudo-sang par ci, une goutte d'hormones par là. Une dose précise produit systématiquement un tel effet. Ca ressemble à du déterminisme pas vrai. Or, dans le domaine de l'action humaine, on ne peut justement pas prévoir, anticiper ce qui va se passer. La science ne peut pas avoir de place là où règne la contingence, autrement dit là où ce qui est pourrait tout aussi bien ne pas être. Et pourquoi ? Parce que l'homme est sensé agir par lui même, il est le seul à être le maître de ses actes. Bon là je sais que j'ai perdu la moitié des lecteurs. J'vais me calmer sur les réflexions philosophiques. En gros cette société soit disant utopique prive l'homme de sa capacité à agir de par lui-même. Dans ce livre, les humains sont tous des veaux qui se déplacent en masses, ont les mêmes pensées, les mêmes réactions. Dans ce genre de société, la différence n'est pas permise. "Si l'on est différent, il est fatal qu'on soit seul."
Sans rentrer dans les détails, j'ai été surprise, au début du livre, de retrouver des connaissances biologiques très précises ; par exemple sur la division cellulaire et même sur le fonctionnement des hormones, le rétrocontrôle positif et négatif et touuut. Sinon ce livre m'a fait pensé à encore plein d'autres choses. Déjà niveau scénario, ça m'a un peu rappelé Avatar et Pocahontas, avec le fait que y'ait une société civilisée et une autre sauvage. On pense être LA société civilisée, et de ce fait, on considère l'autre comme inférieur, comme sauvage. On ne prend pas le temps de réfléchir, d'accepter l'autre. Rejeter l'autre car il est différent, c'est ça un acte de barbarie. Après ça, qui sont les barbares ? Surement pas les "sauvages".
"-Nous préférons faire les choses en plein confort, dit l'Administrateur.
-Mais je n'en veux pas, du confort. Je veux Dieu, je veux de la poésie, je veux du danger véritable, je veux de la liberté, je veux de la bonté. Je veux du péché.
-En somme, vous réclamez le droit d'être malheureux.
-Eh bien soit, dit le Sauvage d'un ton de défi, je réclame le droit d'être malheureux."
Être un homme, ce n'est pas faire en sorte de ne vivre que de sensations agréables (le soma), de sensations ménagées, anticipées, conditionnées. Être un homme, c'est ressentir la douleur, la peine, la joie. Oh c'est tellement beau que je vais verser une larme. Ce livre prête à réfléchir sur la liberté, sur la conscience. En même temps, toute cette histoire de conditionnement, on peut dire que nous aussi on est conditionnés par l'éducation de nos parents, par la société qui nous entoure et tout. Ce livre nous remet un peu à notre place. Il faut être vigilant. Grâce au progrès, grâce à la mondialisation, l'homme se sent le maître du monde. Attention à l'usage qu'on fait de nos connaissances. (Là je suis tentée de dire "Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités".) J'ai trouvé ce livre incroyablement lucide pour l'époque. J'ai très envie de lire la suite : Retour au meilleur des mondes.
En résumé : Un livre qui offre de nombreuses perspectives de réflexion, et c'est ce qui me plaît.
Extraits
* "Il y avait autrefois quelque chose qui s'appelait la démocratie. Comme si les hommes étaient égaux autrement que physico-chimiquement."
* "une éternité lunaire"
* "le taxicoptère"
* "Les serments les plus puissants ne sont que paille pour le feu qui est dans le sang" (Tempest)
* "Life is a tale
Told by an idiot, full sound and fury,
Signifying nothing" (Macbeth)
* "Tous les gens qui, pour une raison ou une autre, ont trop individuellement pris conscience de leur moi pour pouvoir s'adapter à la vie en commun, tous les gens que ne satisfait pas l'orthodoxie, qui ont des idées indépendantes bien à eux, tous ceux, en un mot, qui sont quelqu'un."
* "Le savoir était le dieu le plus élevé, la vérité, la valeur suprême."