☆ On ne badine pas avec l'amour ☆
Alfred de Musset
1834
Résumé
On siffle sa première pièce ? Musset s'en moque, il publiera les autres pour son plaisir, insouciant d'aucune règle, sauf celle de ses caprices et de sa fantaisie douloureuse et si légère. Ce sera son "spectacle dans un fauteuil". c'est pourquoi on ne cessera jamais de jouer ses comédies et proverbes. Dans quel rêve, quel château, quel parc mélancolique sommes-nous ? Le jeune seigneur Perdican devrait y épouser sa cousine Camille, mais en un instant il décide d'aimer une jeune bergère. Soudain dédaignée, Camille, qui ne croyait pas à l'amour, connaît le dépit, la jalousie, l'égoïsme de la passion. Autour d'eux, s'agitent des personnages fantoches d'une cocasserie irrésistible. Dans ce théâtre féérique, on se croise, on se déchire, on s'ennuie, on croit que tout est vain, on triche, on se désire, on souffre jusqu'à en mourir. Comme dans la vie.
Avis
J'ai beaucoup aimé cette pièce qui change de l'ordinaire. La scène d'exposition est énorme : un choeur (façon théâtre grec) présente l'arrivée de Perdican puis en parallèle présente de la même façon celle de Camille. Ca donne un résultat proche de la farce, les personnages sont grotesques et caricaturaux. En gros, on ne s'attend pas du tout à ce que la pièce tourne autour d'une histoire d'amour.
Mais parler d'une histoire d'amour serait une erreur. Camille et Perdican ne s'aiment pas, non. Ils jouent avec ce sentiment sans vraiment le ressentir. C'est ça qui est cool dans la pièce. J'ai adoré tous leurs dialogues : ils se blessent l'un l'autre, en tromperies, mensonges, mises en scène, lettres et cadeaux, jalousie... Le titre est d'ailleurs assez évocateur à ce sujet.
A la fin, ça n'est plus très clair, on ne comprend pas bien leurs réels sentiments. Finalement ils s'aiment, puis ils ne s'aiment plus, puis l'un re-aime l'autre, etc. Et au final, je suis un peux restée perplexe par rapport à la dernière phrase de la pièce.
En résumé : Une de mes pièces préférées ; avec des personnages, une scène d'exposition et des dialogues excellents.
Extrait
Adieu, Camille, retourne à ton couvent, et lorsqu’on te fera de ces récits hideux qui t’ont empoisonnée, réponds ce que je vais te dire : Tous les hommes sont menteurs, inconstants, faux, bavards, hypocrites, orgueilleux et lâches, méprisables et sensuels ; toutes les femmes sont perfides, artificieuses, vaniteuses, curieuses et dépravées ; le monde n’est qu’un égout sans fond où les phoques les plus informes rampent et se tordent sur des montagnes de fange ; mais il y a au monde une chose sainte et sublime, c’est l’union de deux de ces êtres si imparfaits et si affreux. On est souvent trompé en amour, souvent blessé et souvent malheureux ; mais on aime, et quand on est sur le bord de sa tombe, on se retourne pour regarder en arrière ; et on se dit : "J’ai souffert souvent, je me suis trompé quelquefois, mais j’ai aimé. C’est moi qui ai vécu, et non pas un être factice créé par mon orgueil et mon ennui. " (Acte II, Scène V)